«Démunie, la Grèce s’en remet à la zone euro»
LE TEMPS, Ram Etwareea
Dette jeudi16 juin 2011
Administrations publiques fermées, commerces et transports publics paralysés, ports et aéroports tournant au ralenti; la Grèce a connu mercredi une nouvelle journée de protestations contre toutes nouvelles mesures d’austérité. A Athènes, près de 40 000 manifestants, la moitié selon la police, sont descendus dans les rues. Les forces antiémeute ont lancé des gaz lacrymogènes pour disperser un groupe de 100 à 200 jeunes, qui ont jeté des cocktails Molotov, des pierres et autres projectiles contre un cordon policier qui se trouvait devant le parlement.
Les élus grecs devaient dans la soirée finaliser un deuxième plan de redressement économique en échange d’une nouvelle aide financière de la zone euro et du Fonds monétaire international. En plus de la première enveloppe de 110 milliards d’euros négociée en mai 2010, payable en tranches, la Grèce aurait besoin de 60 milliards supplémentaires pour rembourser ses dettes en 2012 et 2013.
De passage à Genève, Louka Katseli, ministre grecque du Travail, a expliqué au Temps qu’un sursaut national était nécessaire pour remettre le pays sur les rails.
Le Temps: Que dites-vous aux milliers de vos compatriotes qui sont descendus dans la rue pour s’opposer à votre politique?
Louka Katseli: Nous comprenons leur angoisse. Les temps sont difficiles pour le pays et pour chaque famille. Les coupes budgétaires n’arrangent rien. Nous voyons aussi la colère de chômeurs qui ne peuvent pas joindre les deux bouts. Mais nous avons une responsabilité collective pour sortir le pays de la crise. Pour cela, nous devons travailler avec les syndicats et adopter un programme qui vise à consolider les finances publiques, à initier des changements structurels afin de rendre l’économie plus productive et enfin, à mettre sur pied un filet de secours pour les plus vulnérables. Nous devons comprendre que si on n’arrive pas à lever des fonds sur le marché des capitaux, cela réduit la marge de manœuvre de l’Etat et que les mesures d’austérité sont nécessaires pour rassurer nos partenaires. En même temps, nous devons comprendre que si certaines mesures avaient été prises auparavant, la situation serait moins catastrophique aujourd’hui.
– Un exemple?
– Tout le monde connaît l’importance des investissements directs étrangers, notamment en termes de création d’emplois. Mais la Grèce est l’un des pays qui en attire le moins. La bureaucratie et les procédures nécessaires pour lancer une entreprise rendent le pays peu attractif. Cela aurait dû changer depuis longtemps.
– Selon les syndicats, les sacrifices ne sont pas partagés de façon équitable par toutes les couches de la population…
– C’est vrai que les salariés et les retraités ont porté le plus lourd fardeau en 2010 lorsque nous avons introduit le programme de redressement financier. Les mesures mises en place pour combattre l’évasion fiscale ou pour augmenter les contributions à la sécurité sociale ne donnent des résultats que sur le long terme. Les sacrifices seront définitivement mieux partagés durant les cinq prochaines années, notamment avec un nouvel impôt sur les investissements immobiliers et financiers et un impôt sur les retraites dépassant 1700 euros. Nous allons aussi lutter contre l’évasion fiscale et faire de sorte que les contributions à la sécurité sociale rapportent plus à l’Etat. Nous comptons aussi investir pour soutenir les chômeurs, non pas en leur payant des allocations sociales, mais en leur offrant des moyens pour retourner sur le marché du travail.
– Votre pays traverse une grave crise de la dette. Pourquoi ne songez-vous pas à mettre les créanciers à contribution (Haircut) pour résoudre le problème?
– C’est n’est pas une solution. Il peut créer de nouveaux problèmes. Il n’y a pas de doute qu’une bonne gestion interne de la dette est nécessaire pour faciliter un retour à la croissance et au marché des capitaux. Le recours à un haircut est une décision politique qui revient aux dirigeants de la zone euro comme il leur appartient de décider de la gestion du Fonds européen de stabilisation financière.
– Quitter la zone euro ne vous donnerait-il pas une plus grande marge de manœuvre pour résoudre la crise de la dette?
– Pas du tout. Notre appartenance à la zone euro nous a permis de maîtriser l’inflation et les taux d’intérêt ainsi que d’augmenter notre niveau de vie. A présent, elle nous apporte un soutien financier indispensable alors que les marchés financiers nous tournent le dos. Démunie, la Grèce s’en remet à la zone euro pour trouver une solution appropriée non seulement pour tous les pays membres en difficulté.
– Les autorités grecques sont critiques vis-à-vis des agences de notation qui ne font que tirer la sonnette d’alarme…
– Elles doivent mettre fin à leur vision myopique et faire des évaluations qui prennent compte des résultats futurs des mesures prises aujourd’hui. Elles doivent comprendre que celles-ci vont améliorer nos finances à terme.
– Il a été question de rapatrier des fonds grecs qui seraient placés dans les banques suisses. Que faites-vous concrètement?
– Nous regardons les possibilités avec Berne. Je pense qu’il sera très utile de parvenir à un accord pour s’attaquer à l’évasion fiscale. Il est normal que le fardeau du réajustement soit porté aussi par ceux qui ont les moyens, mais qui n’assument pas leurs responsabilités. Je suis certaine qu’il existe des fonds grecs dans les banques en Suisse et dans d’autres pays.
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